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Absence d’accès au RPVA : pas de cause étrangère justifiant l’expédition par voie postale

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
17/11/2017
L’articulation des différentes réformes relatives à l’appel en matière prud’homale n’a pas fini de générer un important contentieux, s’agissant, notamment de l’obligation de communication électronique des actes en appel. Avec une interprétation rigoureuse, les juridictions du fond définissent, a posteriori, les règles de recevabilité des appels formés entre le 1er août 2016 et le 1er septembre 2017. La solution dégagée a néanmoins vocation à concerner, pour l’avenir, l’ensemble des contentieux en appel.
Les faits de l’espèce étaient les suivants. Dans le cadre d’un contentieux du travail opposant une salariée à son employeur, la décision du conseil de prud'hommes de Bobigny fait l’objet d’un appel. Le recours est formé par l'avocat de de la salariée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe de la cour d’appel de Paris et distribuée le 2 février 2017. À la suite d’une orientation en circuit court et par ordonnance du 19 avril 2017, le président de la chambre saisie rend une ordonnance dans laquelle il rappelle qu’à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique et lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe (CPC, art. 930-1). Les parties sont invitées à faire valoir leurs observations sur la recevabilité de l'appel et l’audience de plaidoiries est fixée au 18 septembre 2017.

La cour d’appel de Paris, le 25 octobre 2017, commence par rappeler que l’appel des décisions des juridictions prud'homales est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire (C. trav., art. R. 1461-2) et, ce, depuis le 1er août 2016, date de l’entrée en vigueur des articles 28 à 30 du décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (D. n° 2016-660, 20 mai 2016, JO 25 mai).
Or, comme le soulignait déjà le président de chambre, l’article 930-1 du Code de procédure civile impose la communication électronique des actes dans le cadre des procédures ordinaires avec représentation obligatoire, à peine d'irrecevabilité relevée d'office. Il est exact, en application de l’article 930-2 du Code de procédure civile (créé par D. n° 2016-660, 20 mai 2016, précité), que ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque les parties choisissent, en appel, d’être assistées par un défenseur syndical (C. trav., art. L. 1453-4, mod. par L. n° 2015-990, 6 août 2015, JO 7 août et C. trav., art. R. 1453-2, mod. par D. n° 2016-660, 20 mai 2016, précité). Mais lorsqu'une partie est représentée par un avocat, celui-ci est tenu aux règles édictées par le Code de procédure civile et ne peut se prévaloir des dérogations applicables aux défenseurs syndicaux. L’avocat de l’appelante aurait donc dû recourir au RPVA.

Les règles de la postulation ne s'appliquant pas à la procédure devant les chambres sociales de la cour d'appel (Cass. avis, 5 mai 2017, n° 17-70.004 et n° 17-70.005 ; voir « Contentieux du travail : pas de postulation en appel », Actualité du 09/05/2017), les parties peuvent être représentées par un avocat sans limite de compétence territoriale, y compris, donc, si ce dernier exerce en dehors du ressort de la cour d’appel saisie. Mais dans ce cas, force est bien de constater qu’il n’a pas accès au RPVA, qui dépend du barreau de rattachement.

En pareil cas, il convient de faire application de la règle selon laquelle, lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à l’avocat qui l'accomplit, il est établi sur support papier (CPC, art. 930-1). Mais ici il faut tenir compte de la réforme de l’appel de droit commun, issue du décret du 6 mai 2017 (D. n° 2017-891, 6 mai 2017, précité) et applicable aux appels formés à compter du 1er septembre (D. n° 2017-1227, 2 août 2017, JO 4 août ; voir « Appel et exceptions d’incompétence : clarifications relatives à l’entrée en vigueur de la réforme », Actualité du 04/08/2017). Antérieurement, l’article 930-1 du Code de procédure civile prévoyait uniquement que l’acte devant être « remis au greffe », ce qui s’entendait exclusivement d’une remise physique constatée par visa daté du greffier. Ce n’est que depuis le 1er septembre 2017, date d'entrée en vigueur du décret précité, que les actes peuvent être adressés au greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. C’est d’ailleurs en ce sens qu’a récemment répondu la cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 3 oct. 2017, RG n° 17/02723 ; « Déclaration d’appel par LRAR : il ne fallait pas anticiper l’entrée en vigueur de la réforme ! », Actualité du 20/10/2017), ce que confirme ici la cour d’appel de Paris. L’appel formé en méconnaissance de l’ensemble de ces règles doit donc être déclaré irrecevable.

Mais la portée du présent arrêt de la cour d’appel de Paris ne se limite pas à cette confirmation. Les magistrats parisiens affirment en effet que le fait que l'avocat de l'appelante, non inscrit au barreau de Paris, n'ait pas pu adresser sa déclaration d'appel par voie électronique, faute d'être relié au réseau professionnel virtuel des avocats, ne constitue pas une cause étrangère à l'auteur de l'acte d'appel. Ils ajoutent que « connaissant cette situation, [il] aurait pu faire appel à l'un de ses confrères disposant de cette faculté pour surmonter cette difficulté ». Finalement, en raisonnant de manière comparable à la force majeure, la restriction imposée est certes extérieure à l’auteur de l’acte, mais n’étant ni imprévisible, ni insurmontable, l’avocat exerçant hors ressort ne peut s’en prévaloir. La solution est alors celle évoquée par la cour d’appel de Paris : il lui appartient de recourir aux services d’un correspondant local. Le raisonnement semble pour le moins sévère, mais vivifiant pour la débrouillardise…

Il est vrai que la possibilité reconnue par le pouvoir réglementaire de procéder par voie de remise au greffe est de nature à empêcher la caractérisation d’une atteinte à l’effectivité du droit à un recours juridictionnel, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’élargissement des modes de transmission des actes de procédure au greffe, réalisé par le décret du 6 mai 2017 (précité), mérite donc d’être plus qu’approuvé à ce titre. Mais puisque l’absence d’accès au RPVA ne constitue pas une cause étrangère justifiant le recours au papier, la problématique n’est pas résolue.

Or on rappellera que, dans un autre contexte et en réponse à une question préjudicielle du juge des référés de Lyon, la Cour de justice l’Union européenne a estimé que le refus de délivrance d’un boîtier de raccordement au RPVA à un avocat dûment inscrit au barreau de l’un des États membres de l’Union, au seul motif qu’il n’est pas inscrit au barreau de l’État membre dans lequel le RPVA est mis en place, constitue une restriction à la libre prestation de services (CJUE, 18 mai 2017, aff. C-99/16). Ceci, après avoir constaté que ces avocats doivent soit procéder au dépôt au greffe ou par voie postale, soit recourir à l’assistance d’un avocat inscrit auprès d’un barreau français disposant d’un boîtier RPVA. « Or, ces modes de communication alternatifs à la communication par voie électronique sont plus contraignants et, en principe, plus onéreux que cette dernière ».

Toutefois, comme le soulignait la Cour de justice, l’exigence relative à l’appartenance à un barreau local ne saurait être considérée comme contraire aux articles 56 et 57 TFUE en raison de la nature particulière des prestations de services dont il est question. Mais conformément à la jurisprudence constante, le juge de l’Union indiquait que la restriction ne peut être admise que si la mesure en cause répond à des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle ne va pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. À ce titre, il est exact que le système d’identification sur lequel repose le RPVA, qui vise à assurer que seuls les avocats qui remplissent les conditions nécessaires pour exercer leur activité peuvent se connecter au RPVA, apparaît, en tant que tel, propre à garantir la réalisation des objectifs de protection tant des destinataires des services juridiques, que de la bonne administration de la justice. Il incombe alors à la juridiction de renvoi de vérifier si un tel refus, au regard du contexte dans lequel il est opposé, répond véritablement aux objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice susceptibles de le justifier et si les restrictions qui s’ensuivent n’apparaissent pas disproportionnées par rapport à ces objectifs.

Cette question laissée ouverte, il serait également possible de s’interroger en termes de prévisibilité de la norme, qui, finalement, s’éclipserait presque devant les usages. Et si le temps de la réforme de certaines modalités de fonctionnement du RPVA était venu ?
Source : Actualités du droit