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Proposition de loi "Cyber haine" : le texte profondément modifié par la commission des lois de l'Assemblée nationale

Affaires - Immatériel
17/01/2020
La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté le 14 janvier au soir la proposition de loi « visant à lutter contre les contenus haineux sur internet » en supprimant plusieurs modifications apportées au texte par le Sénat.



 
Les députés ont ainsi  notamment voté l'amendement de la rapporteure Laetitia Avia qui « rétablit l’obligation de retrait en 24 heures, par les grands opérateurs de plateforme en ligne, de tout contenu manifestement haineux qui leur est notifié ».

On rappellera que députés et sénateurs ne s'étaient pas mis d'accord sur l'article 1er du texte lors de la commission mixte paritaire (CMP) du 8 janvier, en raison, selon la rapporteure, « d'un désaccord profond entre le Sénat et l'Assemblée nationale quant au niveau d'exigence que nous souhaitons fixer aux plateformes ».

On rappellera également que lors de leur examen du texte, les sénateurs avaient maintenu le principe du retrait en 24 heures des contenus haineux mais avaient refusé de faire un non-respect de ce principe un délit. 
Pour Laetitia Avia, c'est une façon de « cantonner la proposition de loi à des obligations de moyens »,
Et d’ajouter : « le Sénat a non seulement laissé pleinement la main aux plateformes, mais aussi retiré le juge du dispositif que nous avions construit ».

L'amendement adopté « rétablit la sanction pénale ». Le non-respect de l'obligation de retrait d'un contenu manifestement haineux sera donc bien un délit.
En adoptant ledit amendement, la commission des lois a également précisé la définition des « contenus haineux ».

Le projet de loi visait déjà, notamment, les injures sexistes, racistes, homophobes ou encore l'apologie du terrorisme. Il visera également le négationnisme, conformément à ce qu'avaient voté les sénateurs.
Les moteurs de recherche comme Google, qui avaient été exclus du champ du texte par le Sénat, seront quant à eux bien soumis à l'obligation de suppression en moins de 24 heures des contenus manifestement haineux.

Le texte a été défendu par la députée George Pau-Langevin (PS) qui a souligné une proposition de loi qui est une « manière d'essayer d'endiguer ce flot de propos racistes » malgré ses « aspects boiteux ».
Plusieurs députés, comme Laure de La Raudière (UDI, Agir et Indépendants), ont cependant exprimé leur crainte de voir les plateformes comme Facebook ou Twitter s'ériger en « juge de la liberté d'expression ».

Le délit ne s'applique pas aux contenus « gris » (c'est-à-dire aux contenus qui ne sont pas « manifestement » haineux) », a tenu à préciser Laetitia Avia.
Ainsi, pour tenter d'apaiser les craintes, elle a introduit dans le texte une disposition interprétative visant à le rendre plus souple.
Le caractère intentionnel du délit ne sera pas retenu contre les plateformes qui n'auront pas retiré suffisamment vite un contenu si celui-ci ne peut être évalué « raisonnablement » dans le délai imparti de 24 heures ou si ce contenu ne peut être retiré « car il a pour vocation de dénoncer un propos haineux ».
En d’autres termes, si la plateforme, de bonne foi, a dépassé les délais de retrait parce que le contenu visé nécessitait une enquête approfondie sur sa nature réelle, alors le délit ne sera pas constitué.

Laetitia Avia a aussi voulu rassurer les députés sur la place du juge dans le dispositif dès lors que « l'action en référé est toujours applicable, que ce soit pour faire retirer un contenu ou dans le cas où quelqu'un estimerait que l'on a porté atteinte à sa liberté d'expression ».

On retendra encore que les députés ont adopté un amendement visant à permettre au Conseil supréreur de l'audiovisuel de mieux sanctionner d'éventuels « retraits excessifs de contenus » par les opérateurs.
Signaler abusivement un contenu sera puni d'un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

La proposition de loi doit être examinée en seconde lecture le 21 janvier en séance publique. A suivre...
Source : Actualités du droit