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Le paradoxe de la médiation

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
04/04/2019
Rapidité, efficacité, confidentialité, économies. La médiation a tout pour plaire. Pourtant, peu d’entreprises y recourent. Comment expliquer cette situation ? Quels moyens pourraient permettre de promouvoir ce mode alternatif de règlement des différends ? Un nouveau rapport du Club des juristes s’est penché sur la question.
À l’occasion de la parution d’un rapport réalisé par la Commission Médiation, le Club des juristes a organisé, le 13 mars dernier, un débat consacré au thème suivant : « Entreprise et Médiation : la fin d’un malentendu  » ?

Ce rapport poursuit deux objectifs :
– comprendre pourquoi, en dépit des avantages qu’elle présente, la médiation n’est pas employée davantage par les entreprises ;
– faciliter la compréhension de ce mécanisme pour en promouvoir l’usage.  


Composition de la Commission médiation
 
Président :
 
Pierre Servan-Schreiber, avocat aux Barreaux de Paris et de New York, médiateur accrédité auprès du CiArb (Chartered Institute of Arbitrators and Mediators), du CPR (International Institute for Conflict Prevention and Resolution), du CEDR (Center for Effective Dispute Resolution) et du CMAP et médiateur agréé auprès de la cour d’appel de Paris.
 
 Membres :
 
– Soraya Amrani-Mekki, professeure de droit, Université Paris-Ouest Nanterre La Défense (Paris X) ;
 
– Pierre Charreton, médiateur accrédité auprès du CMAP, conseil en management des fonctions juridiques de l’entreprise ;
 
– Guillaume Forbin, avocat associé, Altana ;
 
– Sophie Henry, déléguée générale, CMAP.

 


Les freins
La médiation « recouvre des choses extrêmement différentes » souligne Guillaume Forbin. Il n’est pas rare, en effet, qu’on la confonde avec la transaction ou encore la conciliation. Ce flou sémantique freine son développement. C’est pourquoi Pierre Servan-Schreiber donne la définition retenue par la Commission : « Processus par lequel deux ou plusieurs personnes morales ou physiques faisant partie d’un système relationnel confient à un tiers indépendant, neutre et impartial (et parfois à deux) la tâche de les aider à résoudre un différend existant entre elles lorsque la communication au sein de ce système est devenue dysfonctionnelle ».

Autre obstacle au développement de la médiation : peu de statistiques sont publiées. Au niveau national, aucun recensement n’est effectué (même constat dans les pays anglo-saxons). Même constat du côté des Centres de médiation et d’arbitrage. Hormis celui de Paris, rares sont ceux qui publient des statistiques. En revanche, plusieurs cours d’appel publient des statistiques en matière de médiation judiciaire.

Le choix du médiateur peut également dissuader les entreprises de recourir à la médiation. Comment choisir le bon médiateur ? Pour Sophie Henry, ce choix peut se fonder sur les critères suivants :
– la formation ;
– l’expertise ;
– une expérience professionnelle ;
– un savoir être.
 
Entre liberté et sécurité
La liberté, consubstantielle à la médiation, se manifeste aux différents stades de cette procédure.   Elle repose, d’une part, sur le volontariat et, d’autre part, sur liberté de détermination du cadre de la discussion : la réunion peut être plénière, restreinte à certaines parties ou encore unilatérale avec le médiateur. Il est loisible aux parties de modifier ce cadre, avec le concours de ce dernier.

Les parties sont également libres quant au choix du médiateur. Celles-ci, si elles le souhaitent, peuvent opter pour une co-médiation. Un recours à une pluralité de médiateurs qui peut s’avérer particulièrement utile en cas de médiation internationale.

La construction de l’accord se caractérise par une grande souplesse, celui-ci pouvant comporter des éléments économiques et stratégiques.

Cette liberté, qui fait la force de la médiation, se déploie dans une « bulle sécurisée » estime Soraya-Amrani-Mekki. Le législateur a, en effet, prévu une série de mesures visant à rassurer les parties. C’est notamment le cas de la suspension du délai de prescription.

Prévue par l’article 2238 du Code civil, elle permet aux parties de conserver leur droit au juge. Cet article précise que le délai de prescription « recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée ». De la sorte, le temps consacré à la négociation n’est pas perdu.

Autre élément rassurant, la confidentialité des échanges. Garantie par l’article 1531 du Code de procédure civile, elle profite à tous les protagonistes de la médiation : médiateurs, parties, avocats. Ces derniers ont d’ailleurs la faculté de définir les termes de cette confidentialité.

 
Des pistes pour promouvoir la médiation
Sans un travail de sensibilisation et de formation, difficile de convaincre les entreprises d’opter pour la médiation. C’est pourquoi la Commission recommande la mise en place de modules de formation. Ces derniers pourraient être assurés ou bien en interne par les directions juridiques, ou bien à l’extérieur par les Centres de médiation (Club des juristes, Médiation et entreprise ; février 2019).
 
La création d’un outil statistique centralisé permettrait, en outre, de mieux informer les entreprises sur l’efficacité de la médiation (Club des juristes, Médiation et entreprise ; février 2019).
Il serait alimenté par les Centres de médiation et les médiateurs, sur la base du volontariat. Les informations fournies pourraient comprendre :

– la nature de la médiation (interentreprise, intra-entreprise, autre) ;

– le montant de l’enjeu financier classé par tranches (cinq ou six maximum) ;

– l’existence de procédures judiciaires ou arbitrales au moment où les parties ont décidé de tenter une médiation ;

– le résultat de la médiation.

Autre proposition phare : introduire l’obligation d’informer les clients sur la médiation dans le règlement intérieur national des avocats (Club des juristes, Médiation et entreprise ; février 2019).

Enfin, la Commission préconise d’amender l’article 1534 du Code de procédure civile (Club des juristes, Médiation et entreprise ; février 2019). Ce texte permet à l’une des parties signataires d’un protocole d’accord transactionnel de solliciter son homologation auprès du juge. Pour ce faire, l’accord exprès de l’autre partie est requis. La Commission se montre favorable à la suppression de cette exigence.  

Reste à savoir si la Commission sera entendue…
 
 
 
 
 
Source : Actualités du droit