Retour aux articles

Moteurs de recherche sur internet, traitement des données figurant sur des pages web et portée territoriale du droit au déréférencement

Affaires - Immatériel
24/09/2019
La Cour de justice de l’Union européenne considère dans un arrêt du 24 septembre 2019 que lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement, il est tenu de l’opérer non pas sur l’ensemble des versions de son moteur mais sur ses correspondant à l’ensemble des États membres.
La demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Elle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Google LLC, venant aux droits de Google Inc., à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) à propos d’une sanction de 100 000 euros prononcée par celle-ci par une décision du 21 mai 2015 à l’encontre de Google en raison de son refus lorsqu’elle fait droit à une demande de déréférencement, d’appliquer celui-ci à l’ensemble des extensions de nom de domaine de son moteur de recherche.

Google a refusé de donner suite à cette mise en demeure, se bornant à supprimer les liens en cause des seuls résultats affichés en réponse à des recherches effectuées depuis les noms de domaine correspondant aux déclinaisons de son moteur dans les États membres.

Le Conseil d’État considérant que ce litige soulevait plusieurs difficultés sérieuses d’interprétation de la directive 95/46 a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour.

Elle  relève que « le cadre réglementaire applicable fournit ainsi aux autorités de contrôle nationales les instruments et les mécanismes nécessaires pour concilier les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée avec l’intérêt de l’ensemble du public des États membres à accéder à l’information en question et, ainsi, pour pouvoir adopter, le cas échéant, une décision de déréférencement qui couvre l’ensemble des recherches effectuées sur la base du nom de cette personne à partir du territoire de l’Union ».

Elle considère qu’ « il incombe à l’exploitant du moteur de recherche de prendre, si nécessaire, des mesures suffisamment efficaces pour assurer une protection effective des droits fondamentaux de la personne concernée. Ces mesures doivent, elles-mêmes, satisfaire à toutes les exigences légales et avoir pour effet d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes dans les États membres d’avoir accès aux liens en cause à partir d’une recherche effectuée sur la base du nom de cette personne ».

Il revient en conséquence à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard également des modifications récentes de son moteur de recherche les mesures adoptées ou proposées par Google satisfont à ces exigences.

Elle souligne également que « si le droit de l’Union n’impose pas, en l’état actuel, que le déréférencement auquel il serait fait droit porte sur l’ensemble des versions du moteur de recherche en cause, il ne l’interdit pas non plus. Dans ces conditions, une autorité de contrôle ou une autorité judiciaire d’un État membre demeure compétente pour effectuer, à l’aune des standards nationaux de protection des droits fondamentaux une mise en balance entre, d’une part, le droit de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant et, d’autre part, le droit à la liberté d’information, et, au terme de cette mise en balance, pour enjoindre, le cas échéant, à l’exploitant de ce moteur de recherche de procéder à un déréférencement portant sur l’ensemble des versions dudit moteur ».

Et de répondre aux questions posées dans les termes suivants : « l’article 12, sous b), et l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ainsi que l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2016/679 doivent être interprétés en ce sens que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement en application de ces dispositions, il est tenu d’opérer ce déréférencement non pas sur l’ensemble des versions de son moteur, mais sur les versions de celui-ci correspondant à l’ensemble des États membres, et ce, si nécessaire, en combinaison avec des mesures qui, tout en satisfaisant aux exigences légales, permettent effectivement d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes effectuant une recherche sur la base du nom de la personne concernée à partir de l’un des États membres d’avoir, par la liste de résultats affichée à la suite de cette recherche, accès aux liens qui font l’objet de cette demande ».

Cette décision très attendue ne constitue cependant pas une réelle surprise dans la mesure où elle suit les conclusions de l’avocat général Szpunar rendues le 10 janvier 2019. 
Source : Actualités du droit