Retour aux articles

Responsabilité médicale : conditions de prise en compte du rapport d’expertise émanant d’un litige distinct

Civil - Responsabilité
Public - Santé
13/11/2019
Le juge ne peut considérer le rapport d'expertise émis à l'occasion d'un litige distinct que s’il a été soumis à débat contradictoire, et que ses éléments sont des éléments de pur fait non contestés par les parties, ou constitutifs d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres composantes du dossier.
Après avoir subi un changement de prothèse au genou gauche, une patiente a été admise dans un centre de rééducation fonctionnelle, où elle a fait une chute accidentelle qui a lésé ledit genou. Elle a ensuite été transférée dans un centre de rééducation hospitalier où s’est révélée une infection par staphylocoque qui a imposé le retrait de la prothèse.

À la suite d’un recours indemnitaire dirigé contre le centre de rééducation fonctionnelle, le juge des référés judicaire a ordonné une expertise aux fins de déterminer, notamment, les préjudices résultant de l'accident survenu. Au vu de ce rapport, la plaignante a saisi le tribunal administratif d'une demande indemnitaire dirigée contre le second centre de rééducation.

La patiente s’est désistée de sa demande en cours d’instance. Le tribunal ayant pris acte de son désistement, a cependant, en admettant le caractère nosocomial de l'infection, condamné le centre de rééducation hospitalier sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, à indemniser les caisses primaires d'Assurance maladie des prestations versées par celles-ci à la victime.
Le centre hospitalier s’est alors pourvu en cassation.

Le Conseil d’État fait droit à la demande du requérant et annule la décision rendue par la cour administrative d’appel. Il rappelle que « le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige (v. CE, 15 oct. 2018, n° 413937, mentionné aux tables du Recueil Lebon). Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties (sur ce point, v. CE, 26 juill. 1985, n° 41567, mentionné aux tables du Recueil Lebon), soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier ».

Or, en l’espèce, si le caractère contradictoire des débats concernant le rapport d’expertise émis à l’occasion d’un litige distinct, a bien été respecté, la condition relative aux éléments de pur fait non contestés par les parties ou d’appréciations corroborées par d'autres éléments du dossier fait défaut. En effet, la juridiction d’appel a pris en compte les conclusions du rapport d'expertise dans lequel l'expert se bornait à renvoyer à l'opinion du sapiteur quant à l’origine de l’infection, et donc commis une erreur de droit.
Source : Actualités du droit