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L’économie européenne à l’épreuve du Covid-19 : un encadrement temporaire des aides d’État fondé sur « une perturbation grave de l’économie d’un État membre »

Affaires - Droit économique
Public - Droit public des affaires
24/03/2020
Afin de permettre un soutien rapide et efficace des États membres à leurs entreprises, la Commission a adopté le 19 mars un encadrement temporaire des aides d’État sur le fondement de l'article 107, § 3, b) du TFUE, qui prévoit que « peuvent être considérées comme compatibles […] les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ».
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine

Cette décision fait suite à la communication du 13 mars dernier (COM(2020)112 final), par laquelle la Commission invitait les États membres à utiliser toute la flexibilité du cadre normatif déjà en place, en insistant notamment sur les mesures de soutien ne constituant pas des aides d’État, celles pouvant entrer dans le champ de régimes déjà existants et, enfin, en invitant les États à notifier des projets d’aides, compatibles de plein droit, permettant de « remédier aux dommages causés par […] d’autres évènements extraordinaires » (TFUE, art. 107, § 2, b) ; lire à ce sujet : Aides d'État et Covid-19 : la position de la Commission européenne face à la crise sanitaire mondiale, Actualités du droit, 23 mars 2020).
 
Une réponse rapide de la Commission au soutien des économies des États membres

L’ampleur de la crise sanitaire a contraint la Commission européenne à adopter un cadre spécifique comme elle l’avait fait, en 2008, en réaction à la crise financière mondiale.
 
Cet encadrement temporaire s’appliquera à toutes les aides notifiées à compter du 19 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020. Il permet aux États membres de soutenir leur économie à l’aide de 5 régimes d’aides pouvant prendre la forme :
– de subventions directes, d’une avance remboursable ou d’un avantage fiscal et ce pour un montant pouvant aller jusqu’à 800 000 € pour une entreprise ayant un besoin urgent de liquidités ;
– de garanties d’État bonifiées sur les prêts bancaires souscrits par les entreprises, à taux d’intérêt réduits afin de couvrir les besoins urgents des entreprises en fonds de roulement ;
– de garanties de prêts publics et privés à taux d’intérêts subventionnés afin d’assurer la continuité des prêts des banques aux entreprises ;
– de garanties apportées aux banques canalisant le soutien à l’économie réelle, en acheminant les aides notamment vers les PME dès lors que de telles mesures constituent bien une aide directe aux clients des banques, et non aux banques elles-mêmes ;
– enfin, l’encadrement temporaire autorise une flexibilité complémentaire au regard des règles en matière de risques cessibles et d’assurance-crédit à l’exportation à court terme.
 
La Commission invite les États membres à l’informer de leur intention de notifier les projets de mesures dans les plus brefs délais, afin d’assurer un traitement aussi efficace que possible.
 
La mise en place d’un régime français d’aides autorisé par la Commission
 
48 heures après l’adoption de cet encadrement temporaire, la Commission a autorisé, par une décision du 22 mars, trois mesures d’aide françaises. Cette décision, témoignant d’une réactivité sans précédent des institutions européennes, valide un régime français d’aides directes aux entreprises voué à mobiliser un total de 300 milliards d’euros afin de permettre aux établissements bancaires de débloquer rapidement des liquidités au profit des entreprises en difficulté.
 
Le régime de soutien français se compose de trois mesures. Deux premières mesures permettent à BPIFrance de fournir des garanties d’État sur des prêts commerciaux et des lignes de crédit : d’une part, des garanties sur les fonds de roulement et crédits d’investissement ayant une maturité initiale de 2 à 6 ans et, d’autre part, des garanties sur des lignes de crédit servant à financer le cycle d’exploitation des entreprises, ayant une maturité de 12 à 18 mois. Ces deux premières mesures reprennent ainsi la logique de priorisation des petites et moyennes entreprises (PME) telle que voulue par la communication de la Commission du 19 mars.
La troisième mesure consiste en l’octroi de garanties d’État aux banques sur les portefeuilles de nouveaux prêts. Cette mesure n’est pas circonscrite aux PME et pourra être sollicitée par toutes les entreprises françaises dont l’activité économique est impactée par la crise du Covid-19.
 
La Commission a porté une appréciation sur le caractère nécessaire, approprié et proportionnel des mesures de soutien notifiées par la France, conformément à l’article 107, § 3, b) du TFUE. L’encadrement temporaire de la Commission posant tout d’abord l’exigence de mesures de volume et durée limités, l’État français prévoit donc des mesures étalées sur 6 ans ainsi qu’un plafonnement des budgets avec 700 millions d’euros consacrés au régime de soutien de BPIFrance et 300 milliards alloués aux garanties d’État.
 
La validité du régime d’aide français était également conditionnée à une limitation des entreprises bénéficiaires, conformément à la logique de proportionnalité et de nécessité rappelée par la Commission. Les mesures françaises ne pourront, par conséquent, profiter à des entreprises déjà en situation de difficulté économique au 31 décembre 2019 afin de donner la priorité aux entreprises affectées par la crise sanitaire.
Les budgets nationaux étant limités, le risque pris par l’État dans le cadre de telles mesures n’a pas échappé à la logique de limitation voulue par la Commission. En ce sens, la garantie octroyée par l’État n’excèdera pas 90 % du principal prêt.
 
Enfin, la Commission a reconnu une importance particulière à la mise en place de « garde-fous » concernant les aides indirectes aux établissements bancaires afin d’éviter le risque de distorsions de concurrence entre les banques. Le régime d’aide français prévoit en conséquence des garanties visant à s’assurer que les établissements bancaires répercutent effectivement les avantages indirectement reçus aux entreprises en difficulté.
 
Pour aller plus loin
– Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle privé, voir Le Lamy Droit économiquenos 2210 et suivants.
– Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle public, voir Le Lamy Droit public des affairesnos 775 et suivants.

D’autres articles sur ce thème
– Covid-19 et aides aux entreprises : le détail du dispositif du gouvernement, Actualités du droit, 18 mars 2020 ;
– Covid-19 : ce que contiennent le projet de loi et le projet de loi organique, Actualités du droit, 19 mars 2020.

Noémie Bortoluzzi
Louis Perdereau
Source : Actualités du droit