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Reversement d’aides d’État : quel est le délai de prescription applicable ?

Public - Droit public des affaires
Affaires - Droit économique
15/04/2020
Dans un arrêt rendu le 18 mars 2020, le Conseil d’État énonce qu’« en l’absence d’un texte spécial fixant, dans le respect du principe de proportionnalité, un délai de prescription plus long pour le reversement des aides accordées (…), seul le délai de prescription de quatre années prévu au premier alinéa du 1 de l’article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 est applicable ».
En l’espèce, une société, négociante de vins de Bordeaux a reçu des aides de l’Union européenne dans le cadre d’un programme de promotion des vins sur les marchés tiers en exécution d’une convention conclue avec l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer). À la suite d’un contrôle révélant des irrégularités, l’établissement a demandé le reversement d’une partie de ses aides et lui a infligé une sanction. La société a saisi le tribunal administratif et la cour administrative d’appel sans succès.
 
Le délai de prescription applicable
 
Le Conseil d’État rappelle les termes des articles 1er et 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 : « 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. (…) ». « 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité visée à l’article 1er paragraphe 1. (…) / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / (...) / 3. Les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 ».
 
La Haute juridiction déduit de ces dispositions qu’ « en l’absence d’un texte spécial fixant, dans le respect du principe de proportionnalité, un délai de prescription plus long pour le reversement des aides accordées, dans le cadre de l’organisation commune du marché vitivinicole, en vue de la promotion de la vente des vins sur les marchés tiers, seul le délai de prescription de quatre années prévu au premier alinéa du 1 de l’article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 est applicable ».

La cour administrative d’appel a, ainsi, commis une première erreur de droit en retenant comme délai de prescription, le délai de prescription de cinq années prévu, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, par les dispositions à caractère général de l’article 2224 du code civil.
 
Une sanction disproportionnée

Les sanctions prononcées doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif. En effet, elles doivent répondre au principe de proportionnalité.

Les sanctions envisageables sont régies par l’article 5 bis de l’arrêté du 16 février 2009 définissant les conditions de mise en œuvre des mesures de promotion dans les pays tiers, éligibles au financement par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole : « En application des dispositions de l’article 98 du règlement (CE) n° 555/2008, des sanctions sont appliquées par l’établissement créé en application de l’article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime selon les modalités décrites ci-après : / Lorsque le montant d’aide calculé sur la base d’un contrôle sur place, réalisé avant ou après le paiement de l’aide par tout organe de contrôle compétent, est inférieur au montant d’aide initialement retenu par FranceAgriMer sur la base de l’instruction des éléments recevables des demandes de paiement introduites par le bénéficiaire, le taux d’anomalie calculé à partir de l’écart ainsi constaté (montant écart/ montant initialement retenu × 100) conduit aux mesures suivantes : / - lorsque le taux d’anomalie est inférieur ou égal à 5 %, l’aide est arrêtée au montant calculé après contrôle sur place (…) ».

Or, ces sanctions sont déterminées, selon une règle strictement arithmétique, sans prise en compte de la nature et des irrégularités commises. L’arrêté du 16 février 2009 fixant ce régime méconnait, dans ces conditions, le principe de proportionnalité posé par l’article 98 du règlement (CE) n° 555-2008 de la Commission du 27 juin 2008.
La cour a, ainsi, commis une deuxième erreur de droit.
 
L’arrêt de la cour administrative d’appel en tant qu’il se prononce sur la sanction est annulé à ce motif.
 
 
Pour aller plus loin :
Sur le principe de sécurité juridique, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, no 356,
Sur le principe de proportionnalité, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, nos 881 et s
 
Source : Actualités du droit